Deux travailleuses de rue de l’organisme Travail de rue / Action communautaire (TRAC), Rebecca et Marion nous parlent de leur travail auprès des personnes qui vivent une grande précarité et cherchent à se loger. 

Au TRAC, nous rejoignons un grand éventail de la population allant des jeunes aux personnes âgées, en situation de rupture sociale ou à risque de l’être. A chaque personne se posent différents défis. Néanmoins, plus largement, nous pouvons observer que l’un des défis majeurs en travail de rue à Montréal est le manque de logements abordables et d’hébergements d’urgence mettant ainsi les personnes dans des situations de très grande précarité sociale, sanitaire et matérielle. 

À Verdun subsiste une population assez fragilisée, souvent âgée, et pouvant parfois, pas toujours, faire face à des enjeux de consommation et/ou de santé mentale. Ces personnes n’ont pas les moyens de lutter contre l’inflation et la gentrification/l’embourgeoisement – phénomène accru avec l’élection de la rue Wellington comme « la plus cool du monde ». Elles rencontrent des difficultés à rester vivre à Verdun, là où elles sont nées et ont grandi. Isolées, elles perdent souvent leur logement dans une violence sourde et nous rencontrent dans un second temps afin d’être accompagnées dans la recherche fastidieuse d’un nouveau logement.

 

Collecte du circuit d'approvisionnement local

La rue Wellington, élue la plus cool du monde en 2022 par le magazine Time Out

En les mettant en lien avec les ressources adaptées à leurs besoins, cette recherche est, sans surprise, lente, pleine de compromis, les laissant d’autant plus dans une situation à risque. Elles sont souvent poussées à quitter leur quartier d’attachement, sans repères, renforçant leur isolement. Les maisons de chambres ne sont même plus une solution comme il n’y en a plus aucune déclarées à Verdun, bien que logements servent officieusement comme telles, dans des conditions déplorables. Les personnes y résidant y restent car n’ont pas d’autres alternatives, elles sont d’ailleurs témoins des rénovictions ou en ont été victimes. 

Alors que le nombre de personnes en situation d’itinérance augmente, les hébergements d’urgence n’augmentent pas, voire ferment dans certains cas. Les personnes en viennent même à rejeter ces espaces, n’étant pas forcément adaptés à leur réalité (ex.: nombreux bed-checks empêchant les personnes d’entamer ou de poursuivre leurs démarches) et fuyant aussi les violences de ces espaces malgré l’engagement des intervenant-es sur place.

Les personnes privilégient, pour une grande partie, la survie, par exemple, en aménagement des campements de fortunes, en échangeant des services sexuels contre une place à dormir, etc. Cela amène des enjeux de cohabitation sociale dont elles en sont les premières victimes. 

Quelle différence la création de logements sociaux à Verdun pourrait faire pour les populations que vous desservez?

La création de logements sociaux permettrait tout simplement de proposer des loyers abordables et de permettre à une partie de la population Verdunoise les moyens de subsister dignement dans leur quartier malgré l’inflation grandissante. Cela contribuerait considérablement à la prévention de crises sociales (santé physique et psychologique, rupture sociale, enjeux de consommation, etc.), évitant également le déracinement des personnes et favorisant le sentiment d’appartenance, ainsi que la cohésion sociale. La création de logements sociaux à Verdun est un moyen pragmatique et efficace de lutter contre les inégalités sociales qui ne cessent, plus que jamais, de s’accroître. 

Qu’est-ce que c’est un logement accessible et adapté pour les populations qui fréquentent votre organisme? 

Un logement accessible et adapté est un logement approprié aux besoins des personnes, qu’ils soient économiques (ne dépassant pas 1/3 de leurs revenus), sociaux (créant des milieux de vie par et pour les personnes), physiques (inclusifs des handicaps) et culturels (respectant les modes de vie de chacun.e et reconnaissant les conséquences de la colonisation du territoire). C’est un logement qui se base sur le principe d’équité, et qui permet aux personnes de se sentir en sécurité, et de vivre dignement, sans discrimination. Les logements sociaux constituent une des meilleures mesures pour permettre d’améliorer les conditions de vie et d’atteindre un mieux-être – même si certains critères pourraient être bonifiés. 

En ce qui concerne notre pratique, les personnes peuvent rencontrer beaucoup de difficulté à intégrer un logement ou un hébergement lorsqu’elles ont un animal, tandis que ce dernier est parfois l’unique raison de vivre des personnes et apporte beaucoup de soutien émotionnel. De plus, le droit au logement va de pair avec le droit à sa vie de couple et le droit à sa vie intime. Là où malheureusement les refuges et d’autres ressources peuvent amener à séparer les personnes et où la vie affective et sexuelle des personnes peut être mise à mal. Enfin, pour certaines personnes, un soutien au maintien en logement doit être mis en place en proposant par exemple des fiducies pour aider les paiements des loyers.